Un jour vous essayez un cours de yoga et vous tombez en amour.

Nous sommes des milliers à qui cela arrive. Vous ne tombez pas amoureux de vous-mêmes, pas de votre corps. Vous essayez un cours de yoga et vous tombez en amour de la vie.

Vous ne le savez pas encore, vous savez juste que vous sortez d’un cours et déjà vous avez hâte d’être au prochain cours. Vous ne savez pas que cela va durer des années, vous ne savez pas que cela va durer toute une vie. Ce premier cours vous a surpris, intéressé, intrigué, peut-être captivé, voire même subjugué. Ce qui est certain, c’est que ce premier cours ne correspondait pas à ce à quoi vous vous attendiez, à ce qu’on vous avait dit du yoga.

Ce premier cours ne se limite pas à une définition aisée ou simpliste, car il dépasse tout ce que vous aviez imaginé. Vous devinez d’emblée l’étendue des connaissances contenues dans la matière, un savoir vaste comme le cosmos, une expérience illimitée. Vous ne tombez pas amoureux de votre puissance ou de votre souplesse, mais d’un type de travail sur le corps, d’une approche différente, d’une expérience nouvelle. Vous sortez de votre cours, vous vous sentez incroyablement bien, détendu et fort, et vous savez que vous allez revenir. Encore et encore, vous allez revenir, parce que, de cette pratique, vous n’aurez jamais assez. Vous n’atteindrez jamais le niveau de l’écœurement, le moment qui est significatif des activités névrotiques où l’on se dit qu’il est temps d’arrêter et de passer à quelque chose de constructif et d’utile. A aucun moment vous ne penserez : « bon, j’arrête de flâner, de rêvasser, de tourner en rond, de perdre du temps et je passe à une activité sérieuse ».

Vous pratiquez le yoga et le remords de gaspiller votre temps à des futilités vous quitte.

Vous savez d’instinct qu’en pratiquant le yoga vous vous livrez à une activité extrêmement sérieuse, la plus sérieuse qui soit : vous œuvrez à une révolution de votre corps, de votre vie et du petit monde qui vous entoure.

Jour après jour, vous allez explorer votre corps pour y découvrir toujours plus de souplesse et plus de puissance. A chaque fois, vous voudrez aller plus loin et, puisque vous êtes bien guidés, vous vous émerveillerez du fait que votre corps vous le permettra. D’une façon ou d’une autre et quelque soit votre point de départ, vous allez descendre habiter votre corps dans ses moindres recoins, vous allez prendre possession du seul instrument que nous ayons pour être vivant et vous allez vous mettre à en jouer avec délectation. Vous allez cesser de vous battre contre ce que vous êtes et ce que vous n’êtes pas.

Vous allez explorer vos limites et commencez à vous accepter, comme vous êtes, aujourd’hui.

Vous allez enfin prendre les choses comme elles sont, dans leur état d’imperfection naturelle et vous mettre à travailler, avec patience et bienveillance, pour changer la donne. Quelqu’un va vous donner les moyens de faire la paix avec vous-même et de sublimer tout ce qui en vous ne vous convient pas. Vous allez changer de regard sur vos imperfections, elles deviendront vos instruments de travail et la source de vos connaissances. Quelle que soit votre taille, votre poids, votre âge, votre couleur de peau, votre sexe, vous allez oublier votre forme et apprendre à vous aimer. Vous allez faire vibrer la vie dans chacune de vos cellules et au lieu des habituels jugements que vous proférez sans cesse contre vous-même, la reconnaissance montera en vous. Merci pour ce corps, merci pour cette vie. Vous pratiquez le yoga et apprenez à vous mettre à genou devant le miracle.

Vous rangez les chronomètres, les pèse-personnes, les compteurs de calories. Vous cessez de quantifier la vie parce qu’enfin vous vivez. Votre scoliose se redresse, votre dos s’aligne et se muscle, vos jambes se redessinent, les douleurs dans vos épaules et vos hanches disparaissent, vous grandissez d’un centimètre ou deux, votre cage thoracique se développe.

Vous changez, vous devenez sûrs de vous, votre regard est plus franc, votre sourire plus lumineux.

La vie est toujours semée des mêmes embûches, de nouveaux problèmes se présentent avec le jour qui se lève, mais vous avez trouvé votre voie, vous marchez sur le chemin. Puis les années passent et vous courrez le risque de devenir fier de ce que vous avez acquis, fier de votre travail et de vos résultats, comme si vous teniez quelque chose de ferme qui ne vous quittera plus. Vous quittez le chemin au moment précis où l’orgueil vous saisit. Le charme est rompu, vous retombez dans la grisaille du quotidien, dans la poisse malfaisante de la mesure des performances, dans le mal-être de ce monde où chacun se juge sans cesse pour se mesurer à l’autre, le ventre serré sous les morsures de la peur de ne pas être à la hauteur. En même temps que la fierté et l’angoisse, c’est l’insatisfaction qui vous rattrape et vous dévore, insidieuse. Vous n’êtes plus en train d’avancer, vous n’êtes plus dans l’instant présent, vous avez cessé de vous accepter et donc d’aimer les autres.

Il n’y a alors qu’une chose à faire : fermez la porte, enlevez les miroirs, éteignez la musique, ressortez votre tapis et retournez chercher la libération de ces maux de l’âme dans le lien avec l’intime, la connexion avec vous-même.

Vous retournez marcher sur le fil du rasoir. Vous retournez à votre essence propre, à la forme particulière que la vie prend en vous, vous repartez chercher vos limites pour mieux les dépasser, vous partez vous recueillir devant les pulsations de votre sang, les battements de votre cœur et le flot de vos hormones. Vous retournez attraper l’horizon, courir après l’émerveillement, vous retournez sur le chemin car il n’y a rien d’autre à faire qui soit vraiment sérieux, rien de plus profond et de plus ludique, rien de plus concret et de plus réel, aucun fil qui ne vous permette de tisser un tissu plus soyeux avec la trame de votre vie.

Vous n’y pouvez rien : vous pratiquez le yoga et vous êtes devenu un pêcheur d’étoiles, un chercheur d’infini.

Pour l’infini dans la paume de ma main, je vous salue bien bas, Monsieur Iyengar. Merci.

Guénola Pinel

Guénola pratique le yoga depuis 1990 et le yoga Iyengar depuis 2002.

Certifiée niveau base en Italie et niveau «Junior Intermédiaire1, 2 et 3 » au Royaume-Uni, elle enseigne en Italie, au Royaume Uni et en France et se rend régulièrement in Inde étudier à l’Institut Iyengar de Puna auprès des membres de la famille Iyengar. Elle a été formée en Italie par Gabriela Giubilaro et David Meloni (aujourd’hui l’enseignant Iyengar de niveau le plus élevé au monde) et par Sheila Haswell et Penny Chaplin en Angleterre. La formation de base comprend un week-end par mois + un stage d’une semaine chaque année pendant 3 ans (env. 500 Hrs).

Elle a ensuite suivi des séminaires de spécialisation sur plusieurs années auprès de Stephanie Quirk (yoga thérapeutique), Lois Steinberg (yoga thérapeutique), Garth Mc Clain (sclérose en plaques), Bobby Clennel (yoga pour la femme), Bobby Fulz (scoliose), Brenda Booth (yoga thérapeutique), Gulnaz Dashti (pratique avancée) Faeq Biria (pratique avancée), Uday Bhosale (pratique avancée), Meg Laing (pratique avancée). Elle voyage régulièrement pour suivre des stages et séminaires spécialisés pour une compréhension toujours plus raffinée du système corps/esprit et une pratique toujours plus avancée.

Traductrice de formation, elle enseigne en français, anglais, italien et espagnol. Elle prépare actuellement le niveau « Senior», équivalent d’un PhD (le doctorat des anglophones).